Principes de la Thérapie Interpersonnelle

Vous souhaitez en savoir plus sur la thérapie interpersonnelle? Vous êtes sur la bonne page!

Introduction

Bien que très développée et reconnue aux Etats-Unis, la thérapie interpersonnelle est encore très peu connue en France, où elle n’est pratiquée que par un nombre encore restreint de thérapeutes. Même à Paris, seuls une poignée de thérapeutes l’exercent.

Pourtant, il faut savoir que son efficacité est scientifiquement démontrée, dans de nombreuses études (1) tant chez l’adulte que chez l’enfant ou l’adolescent. C’est l’une des seules psychothérapies, avec la TCC, à avoir effectivement prouvé son utilité au cours d’études rigoureusement menées.

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I/ Cible de la thérapie interpersonnelle

La première chose à savoir est que la thérapie interpersonnelle s’intéresse au lien interpersonnel. En effet, le lien est la cible et l’outil de travail en TIP ([4] Neveux N. 2022). Il s’agit également du paramètre que le thérapeute évalue afin d’établir le diagnostic interpersonnel.

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Pour illustrer le propos, nous prendrons le cas de la pathologie ayant historiquement montré l’efficacité de la TIP: la dépression.

 

II/ Principes de la thérapie interpersonnelle

Les principes de la TIP découlent des modèles et théories .

Action de la thérapie interpersonnelle

L’idée centrale est que alors que l’univers relationnel du patient est devenu insécure en raison d’un problème interpersonnel ou suite à l’évolution de la dépression. La TIP cherche à rendre sécure l’univers interpersonnel du patient.

Le principe est d’aider le patient à reconstituer dans le présent des séquences attachementistes: comportement de signalement – comportement de rapprochement.

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Par ailleurs, les liens interpersonnels peuvent aussi constituer une ressource, donc être une porte de sortie pour le patient déprimé. La TIP va aider le patient déprimé à identifier ces liens potentiellement ressource et sécurisants.

Contrairement aux TCC par exemple, elle ne cherche pas à restructurer les cognitions, mais à faire avec.

Étant basée sur l’attachement (Neveux N. 2022), elle ne demande pas au patient une élaboration cognitive complexe, mais vise à l’amener à mobiliser ses ressources IP. Le but est d’amener le patient à vivre des liens d’attachement sécures aptes à créer un apaisement émotionnel. Ce vécu émotionnel apaisant contrebalance alors les affects dépressifs. On vise avant tout à créer de l’apaisement émotionnel, sans forcement chercher à résoudre le problème. La TIP est donc une thérapie émotionnelle qui peut donc être utilisée très précocement lors de la prise en charge de l’EDC.

Principes dans les autres troubles

Dans le cas du trouble bipolaire, le soin passe par l’identification des situations interpersonnelles qui déséquilibrent la personne et peuvent déclencher une rechute (sur un mode dépressif ou maniaque). Dans l’indication de bipolarité,  la TIP donnera au patient des moyens de faire face à ces situations interpersonnelles AVANT que le déséquilibre ne survienne. C’est donc une action préventive, qui s’appuie sur les rythmes chronobiologiques. Elle nécessite une version de la thérapie interpersonnelle adaptée à la bipolarité: la TIPARS (Thérapie Interpersonnelle adaptée aux rythmes sociaux).

Dans les troubles du comportement alimentaire, l’idée sera de travailler sur le contexte interpersonnel insécurisant dans lequel s’est développé le trouble alimentaire. Dans le PTSD, l’idée sera de resecuriser un environnement rendu insécure par le traumatisme et d’aider le patient à faire appel aux ressources interpersonnelles qui l’aideront à digérer le trauma. Ainsi, en fonction de l’indication, la TIP cherchera toujours à travailler sur le déterminant interpersonnel qui participe au développement du trouble du patient.

Vous pouvez consulter cette page pour connaître les autres indications de la TIP.

III/ Pathologie psy et relations dans la thérapie interpersonnelle

Exemple de la dépression

En TIP, on établit un lien entre dépression et relations interpersonnelles. Ainsi, la dépression peut être cause ou conséquence des problèmes interpersonnels. Mais dans tous les cas, la thérapie interpersonnelle est efficace, quelle que soit la cause de la dépression. Que la cause soit intuitivement interpersonnelle, comme par exemple dans le cas d’un deuil, ou reliée à une cause non interpersonnelle (exemple: diagnostic de maladie grave), la TIP est efficace.

Attention, quand on parle de problème dans les relations interpersonnelles, il ne s’agit pas seulement d’un conflit ou d’une dispute ! Beaucoup de situations vont entraîner des perturbations interpersonnelles.

Prenons un exemple simple: un licenciement. Cet événement de vie peut entraîner une dépression. Il perturbe de façon importante les relations.

En effet, le licenciement impacte

  • liens avec les collègues: qui vont être moins fréquentes, et plus de même nature
  • relations amicales: le regard porté ne sera plus le même car le statut n’est plus le même.
  • relations familiales: le patient devient irritable, du coup les relations avec sa famille sont perturbées.

Cet exemple illustre à quel point les perturbations interpersonnelles apparaissent facilement dans notre vie. La TIP vise à recréer un environnement interpersonnel sécure.

Lien entre dépression et problèmes interpersonnels

On peut distinguer 2 cas de figure:

  • la dépression est le primum movens, et entraîne des perturbations interpersonnelles
  • les perturbations interpersonnelles sont le primum movens, et entraînent  la dépression

Cas 1

Principes de thérapie interpersonnelle : attachement et mentalisation

L’apparition d’une dépression entraîne l’apparition de symptômes (irritabilité, aboulie, clinophilie, bradypsychie, tristesse…) qui perturbent la vie de relation. La thérapie interpersonnelle va traiter ces perturbations.

Cas 2

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Dans cette situation, il y a apparition de dysfonctionnements interpersonnels, souvent dans un contexte de style d’attachement insecure. Ces dysfonctionnements entraîne une mise en retrait par rapport aux autres. Une souffrance apparaît alors, induisant la dépression.

La TIP met cible ces dysfonctionnements afin d’aider le patient à rendre ses relations interpersonnelles plus fonctionnelles.

IV/ Axes de travail de la thérapie interpersonnelle

En effet, l’idée est d’agir sur la cause interpersonnelle si cet abord est pertinent, ou bien sur les conséquences interpersonnelles de l’épisode dépressif si la cause n’est pas interpersonnelle. Le but étant, selon la théorie de l’attachement, d‘utiliser les liens sécures existants, de sécuriser les liens devenus insécures ou de créer de nouveaux liens sécures.

La thérapie interpersonnelle décrit quatre grands axes de travail, débouchant sur un diagnostic TIP

Cette modélisation est conforme à la vision de Weissman, Paykel et KLerman, ainsi qu’à l’enseignement de l’IsIPT (International Society of Interpersonal Psychotherapy).

Déficit interpersonnel ou isolement, qui concerne les personnes qui déplorent un manque de relations sociales ou un isolement. Il concerne les personnes qui se sentent seules et qui vivent mal cette situation. Ce déficit peut être qualitatif ou quantitatif.

Deuil : il recouvre les situations où quelqu’un de l’entourage est décédé. Il s’agit donc d’un vrai décès, où la personne disparue n’est plus en mesure d’exprimer une intentionnalité. Un « deuil symbolique » n’existe pas en TIP, il s’agit alors d’une transition de rôle.

Conflit : cadre très fréquent, où le problème interpersonnel est limpide. Le contexte des conflits au travail, des harcèlements professionnels se prêtent particulièrement bien à la TIP. Les conflits parents-enfants sont aussi une application très utile de la TIP. Enfin, les situations de couple se prêtent très bien à la pratique de la thérapie interpersonnelle.

Transition de rôle : contexte le plus difficile à cerner, qui s’intéresse au vécu difficile consécutif à un changement de statut.

Voici quelques exemples parmi les plus fréquents de transition de rôle :

thérapie interpersonnelle transition de role

  • Promotion ou  licenciement : la modification des responsabilités et du regard de l’autre, de la nature des relations est au centre des problèmes.
  • Maternité ou paternité : le passage du statut d’adulte à celui de père ou mère avec les responsabilités que cela comporte est à l’origine du problème.
  • Mariage ou Divorce.
  • Séparation des parents (connue pour être insuffisamment prise en charge (D’Onofrio & Emery, 2019)).
  • Apprendre qu’on est atteint d’une maladie : on passe du statut de bien-portant à celui de malade, avec tout ce que cela va changer dans sa vie.
  • Echouer à un examen : on doit renoncer à un certain nombre d’espoirs et de bénéfices et inconvénients qu’on avait spéculés. Ce qui est douloureux, c’est la divergence qui va apparaître entre les relations interpersonnelles espérées mais qui n’auront pas lieu du fait de l’échec, et celles qui auront réellement lieu.
  • Adolescence : théâtre d’un grand nombre de changements, en particulier sexuels et sur l’identité. Elle est particulièrement dense en situations propices à une transition de rôle difficile à vivre, qui peuvent prendre de multiples formes.

Utilisation de la TIP

Comme on le voit, les occasions sont nombreuses de rencontrer des situations interpersonnelles entraînant une déstabilisation et donc une souffrance.

Dans beaucoup de psychothérapies intra psychiques, le lien entre les relations interpersonnelles et la tristesse ou la dépression est largement sous-estimé. La spécificité de la thérapie interpersonnelle est de permettre de traiter spécifiquement les problèmes qui lui sont liés.

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V/ Comment se déroule la thérapie interpersonnelle ?

Elle est menée par un psychiatre, un psychologue, un psychothérapeute, ou un médecin généraliste, un médecin du travail, un infirmier diplômé d’Etat… Son format particulier(4) permet en effet à un plus grand nombre de soignants de la pratiquer.

Elle se déroule en plusieurs étapes.

Phase initiale

Elle se décline en :

    • prise de contact avec le praticien TIP.
    • identification du cadre de travail.
    • présentation du principe de la thérapie interpersonnelle.
    • établissement du nombre de séances total que durera la thérapie interpersonnelle.
    • identification du diagnostic TIP déterminant si la thérapie interpersonnelle portera plutôt sur un déficit interpersonnel, un deuil, un conflit ou une transition de rôle.
    • diagnostic de style d’attachement.
    • pose du cadre de travail et des modalités pratiques.

Phase intermédiaire

Travail spécifique en fonction du type de problème identifié. C’est le praticien TIP qui  mène la thérapie en fonction de la problématique en question. La thérapie interpersonnelle propose plusieurs techniques spécifiques. Chacune de ces techniques a des caractéristiques et des objectifs particuliers. Vous trouverez sur cette page davantage d’informations sur les techniques TIP.

Terminaison

Elle prépare la fin de la thérapie. Elle vise plusieurs buts :

    • Permettre la rupture du lien avec le thérapeute
    • Éviter que le patient ne rechute
    • Eviter que le patient ne devienne dépendant du thérapeute
    • Aider le patient à s’approprier ses ressources
    • L’aider à prendre conscience de ses améliorations
    • Généraliser les acquis IP
    • Expérimenter le désinvestissement d’un lien.

Le nombre de séances est limité à l’avance, au cours de la phase initiale, généralement à 12 à 16 séances par le praticien TIP. Ceci permet d’éviter un désinvestissement du patient dans la thérapie et de ne pas garder le patient en thérapie plus que nécessaire.

Toutefois, selon les cas, le nombre de séances peut être augmenté, ou bien une thérapie de maintenance peut être décidée, en particulier dans les situations de plus grande vulnérabilité : adolescence, femme enceinte, personne âgée, etc…

En d’autres termes, la thérapie interpersonnelle est une thérapie extrêmement prometteuse qui va probablement se développer au cours des années en France… Ce d’autant que son efficacité est quantifiable et vérifiée.

Bibliographie

1. Cuijpers P, Geraedts AS, van Oppen P, Andersson G, Markowitz JC, van Straten A. Interpersonal psychotherapy for depression: a meta-analysis. Am J Psychiatry;168(6):581-92.

2. D’Onofrio, B., & Emery, R. (2019). Parental divorce or separation and children’s mental health : Parental divorce or separation and children’s mental health. World Psychiatry, 18(1), 100‑101. https://doi.org/10.1002/wps.20590

3. Neveux, N., Pratiquer la thérapie interpersonnelle. Les ateliers du praticien. 2021: Dunod.

4. Neveux, N., Prendre en charge la dépression avec la thérapie interpersonnelle. Les ateliers du praticien. 2022: Dunod.

Photo par Alexas_Fotos sur Pixabay